Apportez vos fardeaux, adoptez la Paix
Apportez vos fardeaux – Adoptez la Paix !
Fr. Hugues-François Rovarino op – Noël 2013 / Minuit
Avez-vous regardé à l’instant à droite, à gauche ? C’est-à-dire, vers votre épaule droite ? Vers votre épaule gauche ? Il est possible que vous n’y ayez pas prêté attention. C’est dommage ! Mais comme j’étais alors en face de vous, je l’ai fait à votre place.
– Et qu’ai-je vu alors ?, me demanderez-vous. – Eh bien, j’ai vu une réalité surprenante ; ce que vous auriez pu apercevoir, si vous n’aviez alors été dirigés vers cet Evangile, écoutant toute oreille tendue, et le cœur accueillant, la Parole du Seigneur, avec ses anges, ses bergers, conservant déjà en vos cœurs, Celui qui avait frappé à vos oreilles : le Verbe fait chair, Emmanuel, notre Sauveur !
Sur vos épaules cependant était là, posé un agneau. Oui, un agneau couché sur son côté, les jambes dépassant vos épaules, à droite et à gauche. Au-delà de ma surprise, voilà que vous deveniez peu à peu comme le santon, le berger de la crèche, ce berger premier venu, réveillé par le chant des anges, persuadé par ce ton angélique inimitable, annonçant jadis un Sauveur nocturne et babillant.
Et vous, désormais étonnés, comme éveillés encore au milieu de la nuit, vous portiez, sur vos épaules ce que vous voulez ce soir déposer à la crèche.
Un instant, j’ai vu cette réalité inattendue. J’ai vu en vous le berger, silencieux, plongé dans le mystère du Sauveur. J’ai vu devant moi, ceux qui sur la parole des envoyés de Dieu, allaient accomplir un pèlerinage improbable vers un Bethléem spirituel, dont ils étaient souvent tenus éloignés par leur travail ou par leurs habitudes, ou par le respect humain aussi.
Je vous ai vus aller vers le Sauveur, la curiosité au cœur, comme les bergers de Bethléem allèrent vers Jésus ne sachant encore de quoi le Sauveur allait vraiment les sauver, mais se rappelant soudain l’alliance de Dieu lancée vers eux, touchés par la confiance que Dieu mettait en eux, comme en nous !
La nuit, surtout quand les anges ou les songes viennent nous surprendre et nous délivrer des messages décidément trop forts, on est tenté de dire : « Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir ». Ou bien on s’étonnera : « Pourquoi Seigneur irais-je à ta rencontre ? Il y a tant à faire ! Et puis, ne sais–tu pas qu’il y a comme un passif entre toi et moi, des choses que je ne comprends pas et d’autres où je ne me sens pas compris. Franchement Seigneur, oublie-moi un peu ! »
Il est vrai que le Mystère du Seigneur échappe souvent aux nuits des hommes ; sa Lumière n’est pas facile à reconnaître quand on est trop sensible à tout ce qui brille. Il faut oser aller vers la crèche, sur la parole des envoyés de Dieu.
Mais en voyant vos épaules chargées, comme des cœurs alourdis ou divisés, vos épaules fatiguées, parfois tombantes comme des pensées lasses, j’ai à mon tour tourné mes oreilles vers la Parole de Dieu et vers les anges.
Je les ai entendus, clamant : « Paix aux hommes bien-aimés du Seigneur ». Ce refrain était devenu rumeur, de celles qui traversent les temps, tenaces ; et qui nous interrogent encore : as-tu conscience de cette grâce ? Reconnais ta dignité, reconnais ton Seigneur ! Venais-tu déposer ce soir un fardeau à la crèche ? Sois prêt à repartir apaisé, dans l’action de grâce
Car la Paix ne sera jamais un mot, jeté en pâture aux hommes pour acheter leur silence, ni pour les faire rêver malgré tout, ni même pour couvrir un peu de justice. La Paix est trop grande pour ne pas être un don de Dieu surnaturel, inspirant et bénissant les efforts des hommes, le cadeau inimitable, attendu dans combien de lieux sur notre terre !
La Paix ? Le Seigneur ne pense qu’à elle ! Et quelques milliards de vie en dépendent, pour cette vie et pour l’éternité ! C’est pour cela qu’il est né un Sauveur !
Je sais bien qu’en regardant les premiers titres des « infos », il peut sembler raisonnable de ne plus y croire.
Parfois la résignation et le cœur pêcheur peuvent nous abîmer ! Oui, « Des yeux innocents dans des orbites de vampire… c’est peut-être là le secret douloureux du monde », dira-t-on en murmurant aussi : « les comptes de l’humanité ne tombent jamais justes » (V. Volkoff).
Mais nous avons grâce à Dieu son espérance venue en partage ! Que ferons-nous de cette heure bénie ? Ne sommes-nous pas là pour que cela change ? Pour que nous décidions au rythme de nos vies, personnelles, familiales, sociales, de marquer de la charité de Dieu, ce que nous ferons dès aujourd’hui, avec lui ?
Aujourd’hui nous est né un Sauveur ; pour nous, est-ce vrai, oui ou non ? Notre Seigneur, venu dans la chair, la nôtre. Il a offert à nos yeux le visage de Dieu pour que nous offrions à Jésus, le fardeau qui dépassait de nos épaules, à droite et à gauche. Alors courons à la crèche et accueillons notre Sauveur sous le regard de Joseph et Marie.
Prenez date avec lui : son agenda est éternel ! Chacun y trouvera sa place. Et que sa Lumière se glissant en vous vous fasse voir ce monde, les âmes et les situations avec la charité de Dieu.
Sur nos épaules, nous portions ce que nous voulons ce soir déposer à la crèche : alors déposons-le ! Et qu’en échange sa Paix ne nous quitte jamais et que la charité nous presse toujours !
fr. Hugues-François ROVARINO o.p.