La fidélité première – S. Dominique – fr. Loïc-Marie Le Bot, op

par | 28 mai 2016

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Fête de S. Dominique
sermon du fr.  Loïc-Marie Le Bot,
provincial de la province de Toulouse
Quand un prêcheur veut présenter saint Dominique il est intéressant de voir quel trait il va privilégier. Sans doute, il va choisir un trait qui vous touche : sa compassion, sa miséricorde, son amour des pécheurs, sa douceur envers ses frères, son ardeur dans la prière et la prédication. La richesse de la sainteté de saint Dominique va nous donner une richesse dans la manière de vous en parler. C’est pourquoi, il y a, en fait, autant de manière de présenter saint Dominique qu’il y a de prêcheurs. C’est pourquoi il y a chaque année une prédication nouvelle et que vous ne vous lassez pas de venir à la fête de saint Dominique !
Chacun des frères prêcheurs cultive un lien personnel avec la figure de Notre Père. Aussi, chacun s’arrêtera sur un trait qui le marque profondément et sans doute sur un élément qui lui fait penser qu’il ressemble quelque peu à notre Patriarche, ou plus modestement un trait qu’il tente de mettre en œuvre dans sa vie. Essayons d’aller au-delà du détail et de voir ce qu’il y a à la source de la sainteté de Dominique.
Ce qui parait pourtant le plus fondamental chez lui, est sa volonté de vivre selon l’Évangile. C’est sa première et fondamentale règle de vie. C’est cette fidélité première à la Bonne nouvelle qui lui permet de traverser les épreuves, qui oriente ses choix les plus fondamentaux, qui porte la mission qu’il veut mener.
A bien y regarder, prendre l’Évangile comme première règle de vie n’est pas à proprement parler une originalité de saint Dominique. Plusieurs Pères de la vie monastique, l’ont dit et vécu avant lui, comme saint Basile, père des moines de l’Orient dans le texte de sa règle monastique. Se revêtir de l’Évangile comme règle de vie, c’est une exigence de l’Évangile lui-même. Jésus s’y présente bien comme un maitre de vie et se donne comme un exemple à suivre. Il y engage à faire notre demeure en lui, autre manière de dire qu’il devient pour nous mesure, règle et fin de toute chose. Il y donne le commandement nouveau et la loi nouvelle des Béatitudes. Il envoie les disciples en mission :« Allez dans le monde entier, de tous les peuples faites des disciples ». En prenant, l’Évangile pour ce qu’il est, tel que Jésus nous le donne, il est clair qu’il doit être notre règle de vie, ainsi tous les chrétiens partagent ce privilège d’être des hommes et des femmes de l’Évangile. Alors où est l’originalité de saint Dominique ?
C’est d’abord, aux dires de ces contemporains, la manière de vivre chaque jour, la manière d’être en relation avec les autres, l’intensité de sa prière et la chaleur communicative de sa Parole, parole qui touchait les esprits et les cœurs. Tout cela chez lui est imprégné de la douceur et de la force de l’Évangile. Une originalité dans l’intensité, c’est ce qu’on appelle aussi la sainteté.
Pour saisir l’originalité de saint Dominique, il nous faut regarder le moment historique où il vit. Ce qui est remarquable chez lui, c’est qu’il trouve, les mots, la manière, la forme de vie qui permet de vivre et de prêcher l’Évangile de manière éloquente pour ses contemporains au point de les émouvoir et de les ramener au Christ et même à attirer des compagnons qui voient dans son propos de vie un moyen sûr de mettre l’Évangile en œuvre dans leur vie et par leur vie. Il sait donc manifester l’enseignement et la présence du Christ pour les hommes et femmes de son temps. Il a ce souci de vivre l’Évangile pour lui et pour les autres.
Pour vivre l’Évangile, l’intuition de saint Dominique, intuition inspirée par l’Esprit saint, il veut vivre comme un apôtre. Il veut comme les apôtres vivre au pied du Seigneur pour écouter son enseignement. Il veut le suivre partout où il va. Il vit aussi avec les autres apôtres comme des frères réunis autour de Jésus. Il veut aller vers toutes les nations porter la Bonne nouvelle et répandre la grâce des sacrements comme il en est le ministre.
Ce propos n’est pas non plus si original. Ce qui fait la grâce de saint Dominique s’est aussi de mettre en œuvre la vie apostolique pour son temps. Il trouve, aussi, et cela n’est pas sans importance une forme d’institution, des manières de vivre ensemble, au service de ce but de vie apostolique. C’est toute la prudence de saint Dominique. Les institutions des frères prêcheurs qui se moulent dans la règle de saint Augustin et nos constitutions élaborées avec de l’ancien (les constitutions des Prémontrés) et du neuf, (les intuitions dominicaines que l’on pourrait qualifier rapidement de démocratique). Il voit dans la vie religieuse la manière excellente de suivre le Christ, c’est traditionnel, mais il oriente la vie des frères vers l’étude et la prédication, et c’est nouveau. L’horizon du cloitre s’élargit, la lectio divina du moine se poursuit dans la doctrina sacra, autrement dit la prière se prolonge dans l’étude de la théologie, la contemplation se déploie en prédication.
Bref, saint Dominique émerge de son époque comme un homme apostolique qui sait en homme de l’Évangile tirer sa richesse de l’ancien et du neuf. Il puise dans la tradition les meilleurs acquis de la vie évangélique telle que l’Église les a compris et mis en œuvre, et il les adapte à son temps.
C’est dire qu’il nous laisse un héritage qui marie fidélité et innovation, nova et vetera. C’est sans doute là la cause de la longévité de la vie de l’Ordre. Vous le savez, puisqu’on vous le dit et le répète depuis plus d’un an : l’Ordre a 800 ans. (784 ans à Bordeaux, il y aura aussi un 800ème anniversaire purement bordelais dans 16 ans). C’est pour nous l’occasion de rappeler l’œuvre de Dominique depuis le jour où s’installa avec une poignée de frères dans la maison de Pierre Seilhan en 1215. C’est pour nous occasion de nous pencher à nouveau sur les débuts de notre histoire. C’est aussi pour nous occasion de nous rappeler l’héritage que nous avons reçu, héritage vivant de Dominique, héritage d’autant plus vivant qu’il est en lien avec le Christ et son Évangile.
Aujourd’hui, nous sommes en fête avec les frères du couvent de Bordeaux et leurs amis. Sans doute que la joie que nous avons à nous retrouver, aux frères de vous accueillir et à vous de venir, est marquée par la grâce discrète de saint Dominique. Qu’il nous aide à vivre à son école, l’Évangile du Christ.

fr. Loïc-Marie Le Bot, op

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Frère dominicain