L’Esprit de Vérité
L’Esprit de Vérité
Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : c’est l’Esprit de vérité.
Jésus part ; l’Esprit doit venir. Pourquoi sa venue est-elle si précieuse qu’elle fait oublier le départ du Maître ? Pourquoi sans sa descente vers nous, la montée de Jésus vers son Père est comme frappée d’imperfection ?
C’est qu’à la bienveillance divine il ne suffit pas de ressusciter Jésus seul : le Père veut voir notre résurrection à nous. Jésus ne se contente pas à entrer dans la gloire seul, il veut nous y introduire avec lui. L’Esprit œuvre sans cesse, depuis le début de la Création pour que la vie divine devienne la nôtre.
Imaginez un petit enfant à qui ses parents disent tout d’un coup : Regarde, regarde bien, c’est très beau. Et voilà qu’il découvre qu’en effet, il avait sous les yeux un spectacle merveilleux et il ne le voyait pas. Cette beauté était là, devant lui, mais lui n’en vivait pas.
La même chose pour nous. La vie divine est là, en surabondance, c’est en elle que nous avons notre vie, et croissance et être, souvent sans y prendre vraiment part. L’Esprit Saint nous fait participer à la vie divine, il la rend nôtre.
Imaginez que vous lisez les Ecritures, ça peut arriver. Le Verbe de Dieu est là, avec toute sa force, sa beauté, sa douceur, mais votre est cœur n’en saisit rien, votre intelligence glisse sur les lignes sans grand effet. Tout d’un coup, cette parole s’illumine, elle prend du corps, sous la lettre vous découvrez la Parole de Dieu qui vous est adressé, votre vie se trouve comme éclairée, réchauffée par ce qui s’ouvre devant vous dans ce texte. L’Esprit de Vérité fait de sorte que la Parole de Dieu devient nôtre.
Dans ce sacrement que nous sommes en train de célébrer, c’est par l’action de l’Esprit que le pain et le vin deviendront pour nous le Corps et le Sang du Christ ; c’est ce même Esprit qui nous unira pour faire de nous le Corps du Christ, l’Eglise. Il est l’âme incréée de l’Eglise – si nous sommes membre du même Corps de Christ, c’est que c’est le seul et le même Esprit qui habite, gouverne et sanctifie le cœur de chacun de nous.
Tout comme à l’aube de Création, l’Esprit de Dieu planait sur les eaux pour que la vie en jaillisse, l’Esprit couvre de ses ailes notre cœur pour le rendre vivant, fécond. Sans ce souffle, ce n’est qu’un océan glacial des passions et de solitude. Tout comme dans la Création de l’homme, Dieu le tire d’une masse informe, et le vivifie en lui insufflant son propre Esprit dans les narines pour qu’Adam devienne l’âme vivante, de même aujourd’hui Dieu nous donne part à son Esprit. Sans lui, nous ne sommes que glaise : un peu d’animalité, un peu d’affectivité, beaucoup de prétention, beaucoup de désir, le tout serti de l’amour propre. Poussière qui reviendra à la poussière, vanité et poursuite du vent.
Mais si – selon la parole d’Apôtre – l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous (Rm 8, 11). Sans cet Esprit, nous sommes les enfants du hasard et de la nécessité, avec lui – les enfants de Dieu. Tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu (Rm 8, 14), les fils dans le Fils unique, les enfants de la Résurrection de Jésus.
Mais comment savoir qu’on vit de cet Esprit ? En gardant la Parole du Père : si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. De même que l’Esprit conçoit dans le sein de la Vierge Mère l’humanité du Fils de Dieu, de même l’Esprit forme en notre humanité l’image du Fils, il nous rend toujours plus semblables au Fils, il fait de toute notre vie un cri d’amour et d’adoration : Abba ! Père !
Voilà notre vraie vie : le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. Jésus part ; l’Esprit vient. Non pas pour remplacer le Christ, mais pour le rendre présent. Présent devant nous – dans ce sacrement, en nous – par la vie de sa charité, autour de nous – dans l’univers entier qu’il inonde de la gloire du Dieu vivant.