A la messe, le salut! – fr. Antoine-Marie Berthaud, op

par | 10 février 2013

5e dimanche Temps Ordinaire, année C
10 février 2013, Bordeaux, Couvent de Dominicains
A LA MESSE, LE SALUT !
Frères et sœurs, réalisons-nous ce à quoi nous participons à cet instant, tous les dimanches à la messe ?
Certes, à la liturgie de l’Eglise ! Le Peuple des baptisés se rassemble et célèbre son Dieu. A sa tête, Jésus-Christ, vrai Dieu vrai Homme, opère comme il y a 2000 ans le culte parfait, le sacrifice qui sauve le monde ! Sacrement par excellence, l’Eucharistie, « source et sommet de toute la vie chrétienne » (Vatican II), c’est-à-dire source et sommet de notre vie humaine se réalisant dans le Christ pour l’éternité ! L’acte de la foi qui appelle tout notre être à célébrer et accueillir Dieu en Personne ! Geste qu’une parole accompagne, action sacrée qui réalise ce qu’elle manifeste : la gloire de Dieu dans le salut du monde !
Oui, frères et sœurs, réalisons-nous ce à quoi nous participons tous les dimanches à la messe ?
Déjà le prophète Isaïe dans la première lecture nous campe le décor et nous laisse entrevoir cette action divine, ce grand mystère de la foi… 700 ans avant Jésus-Christ !
« Un trône très élevé, où siège le Seigneur ». Et c’est bien le Christ lui-même qui préside nos Eucharisties dans la personne du prêtre ! « Des séraphins » au-dessus de lui qui se crient l’un à l’autre : « Saint, saint, saint le Seigneur Dieu de l’Univers. Toute la terre est remplie de sa gloire » ! « L’autel » d’où va venir la purification ; « le temple » qui se remplit de fumée. Les anges, le mobilier, les chants, l’encens… tous nos sens sont ainsi convoqués à la célébration du culte rendu à Dieu. Tous les éléments sont là réunis pour que Dieu se manifeste. Cette liturgie dans l’Ancien Testament nous révèle la dimension céleste de toute Eucharistie.
Mais déjà le prophète réalise que cette rencontre le dépasse, qu’il n’est pas prêt et que face à Dieu, il est perdu. « Qui peut voir Dieu, sans mourir ? » L’homme devant Dieu se découvre en vérité, indigne et pécheur ! La sainteté de Dieu sonne alors comme une malédiction : « Malheur à moi ! Je suis perdu car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures ». La malédiction du péché qui habite son coeur lui apparaît dans toute sa réalité. Dieu est tout et nous, nous ne sommes rien !
Quoiqu’en disent certains psychologues, cette crainte n’est pas tant mortifère que salutaire. Ce sera même un don de l’Esprit Saint ! Car elle en appelle à la miséricorde du Roi, le Seigneur de l’Univers ! Dieu opère alors le pardon. Dans l’Ancien Testament c’est un ange qui purifie le péché du prophète : celui des lèvres trompeuses, de la parole qui s’est dérobée, qui a menti, qui a trahi et qui, comme pour le peuple, la rend inapte à célébrer son Dieu. Voilà pourquoi frères et sœurs, ne banalisons jamais notre demande de pardon en entrant dans l’Eucharistie. Ne prenons jamais à la légère la nécessité pour notre âme d’accueillir cette première purification. Elle nous dispose certainement au salut que nous apporte le Sacrement des sacrements !
Oui c’est de l’autel que vient le salut, mais le charbon de l’ange ne purifie que les lèvres !
Et déjà la miséricorde interpelle le prophète pardonné : «  Qui enverrai-je ? Qui sera mon messager ? » Sauvé, Isaïe répondra à sa vocation : « envoie-moi ! » Et c’est bien ce que nous répondons à la fin de la messe : Ite, missa est ! Allez, la messe est dite ! Allez dans la paix du Christ ! La voix du Seigneur nous envoie nous aussi, en mission, messagers de ce salut accompli !
Et voilà que dans l’Evangile, cette pêche miraculeuse nous évoque également l’Eucharistie.
Première partie : la foule se presse autour de Jésus pour écouter la Parole de Dieu. Et là Jésus, utilisant la barque de Simon, se mit à enseigner ses auditeurs : liturgie de la Parole. N’oublions jamais que c’est vraiment le Christ, Dieu en Personne, qui nous parle lors de la proclamation de l’Ecriture Sainte !
Deuxième partie : Jésus demande à Simon d’obéir pour opérer le miracle : jeter ses filets. C’est le travail de l’homme. Travail parfois infructueux et décourageant…. Ce n’est décidément pas la nourriture de la terre qui suffira à sauver l’humanité ! Mais en même temps le salut ne se fera pas sans ce labeur, sans le fruit de la terre et du travail des hommes. Et comme à Cana, par cet effort accompli par Simon-Pierre dans la confiance totale à son maître, Jésus accomplit le prodige. Il fait abonder la bénédiction, un fruit qui dépasse les capacités du travail des hommes, les exploits de la science, les prouesses de la technologie… 600 litres du meilleur vin à Cana ! Maintenant c’est une « telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient » et qu’au final les deux barques sont pleines à enfoncer ! Surabondance du salut qui vient de Dieu, qui vient du commandement du Christ et de l’obéissance de ses serviteurs. Et à chaque Eucharistie où a lieu le prodige de la consécration, la transsubstantiation du pain dans la chair du christ, c’est dans l’obéissance et la fidélité au commandement du Seigneur que tout se réalise : vous ferez cela en mémoire de moi ! – Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang, pour la multitude !
Alors nous comprenons l’effroi, le sentiment d’indignité qui envahit le cœur de Simon et des autres : « éloigne-toi de moi qui suis pécheur ! » Nous comprenons la supplication, dernière purification du prêtre et de vous tous, fidèles, à l’approche de la sainte communion : Seigneur, « Agneau de Dieu prends pitié de nous », « je ne suis pas digne de te recevoir… ». Et là ce n’est plus un charbon pour brûler nos lèvres, c’est la sainte hostie pour enflammer tout notre être, devenant sanctuaire du Très-Haut !
Oh frères et sœurs, mes amis, ne banalisons jamais ces gestes de repentir qui nous disposent à l’humilité, à accueillir le don de Dieu, sa vie, son amour, son eucharistie, sa miséricorde en nourriture sainte ! Que Dieu nous garde de communier à notre propre condamnation, tels des Judas qui embrasseraient Jésus pour se perdre !
Alors dans de telles dispositions, Jésus lui-même rassure ses bien-aimés : « Ton péché est pardonné », « Sois sans crainte » ; « La grâce de Dieu m’a comblé » dira saint Paul !
Ainsi l’Eucharistie devient bien la source et le sommet de notre vie. Dorénavant nous n’avons plus à arriver en retard à la messe, comme s’il fallait nous y amener de force le dimanche matin. Au contraire, nous y arriverons dans l’impatience que la messe commence, que l’Eglise célèbre, que Dieu nous parle, qu’il opère notre salut et celui du monde ! Qu’il nous nourrisse, refasse nos forces, nous sanctifie et qu’il nous envoie avec sa grâce et remplis d’espérance ! Tu es le plus petit des apôtres, mais désormais ce sont des hommes que tu prendras. Amen !

fr. Antoine-Marie Berthaud, op

Fr. Antoine-Marie Berthaud