Dieu a dressé sa tente parmi nous

par | 26 décembre 2019

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Tout de même ! quel spectacle grandiose cette nuit, n’avez-vous pas trouvé ? Quand les anges chantaient au plus haut des cieux et leurs trompettes résonnaient plus haut encore. Quand les étoiles filaient dans le firmament et la lune exultait plus étincelante que jamais. Quand le bœuf beuglait en son étable tandis que l’âne brayait à l’unisson à ses côtés (non, je ne parle pas des basses et des ténors de la chorale). Quand les bergers accouraient de toutes parts pour contempler ce petit d’homme qui poussait son premier cri, perçant, dominant à lui seul tout le tintamarre ambiant. Oui, cette nuit la gloire de Dieu éclatait avec magnificence et débordait de tous côtés. Elle emplissait tout l’univers et se manifestait ainsi à tout homme de bonne volonté.

Ce matin en revanche ce n’est plus pareil. Ce matin le calme est revenu. Les anges se sont tus, et leurs trompettes avec. Les étoiles ont disparu, et la lune s’est éclipsée. Les bergers sont retournés à leurs champs, et le bœuf et l’âne se sont calmés. Ils soufflent désormais tout doucettement comme pour tenir chaud au petit d’homme qui a fini par s’endormir à portée de museau. Ce petit d’homme dormant qui n’émet plus que le ronronnement à peine audible du nourrisson paisible. Oui ce matin il ne reste plus rien de cette agitation nocturne qui cette nuit nous a tenus en éveil. Plus rien de la gloire de Dieu qui nous a éblouis de sa splendeur. Plus rien. Plus rien que le silence. Plus rien que ce petit bout de chou, bien moins gros qu’un agnelet.

Ce matin donc toute la gloire de Dieu qui, cette nuit encore emplissait tout l’univers, se trouve focalisée sur ce petit enfant. Ce matin celui qui tient tout l’univers en sa main puissante se tient lui-même impuissant dans une mangeoire de Bethléem. Ce matin Dieu partout présent se trouve tout entier présent en ce petit enfant. Ce matin le mystère de Dieu présent parmi nous se donne à contempler.

Oui ce matin nous apprend que Dieu est présent parmi nous, puisque le Verbe s’est fait chair et qu’il a habité parmi nous. Il a habité, ou plus précisément il a dressé sa tente parmi nous. L’expression ici utilisée, « dresser sa tente », n’est pas un simple clin d’œil aux scouts de l’assemblée. Mais celle-là même qui au livre de l’Exode est employée pour parler de la tente dite du rendez-vous. Cette tente du rendez-vous qui a accompagné les Hébreux depuis leur sortie d’Égypte jusqu’à la construction du temple de Jérusalem. Cette tente du rendez-vous qui abritait les tables de loi et l’arche de l’alliance. Cette tente du rendez-vous où reposait la gloire de Dieu. Cette tente du rendez-vous qui par conséquent était à la fois signe de la présence de Dieu et lieu de la rencontre avec lui.

A dessein, l’Évangéliste emploie donc ici un mot qui exprime d’une manière toute particulière la présence non moins particulière de Dieu au milieu de son peuple. Une présence ferme, stable, permanente. Dieu n’est pas simplement là avec nous en transit. Il s’installe et demeure avec son peuple. Une présence encore de proximité. Dieu n’est pas simplement là avec nous de loin ni de haut. Il s’installe et demeure au milieu de nous.

Et ce matin, le Verbe s’étant fait chair, c’est d’une manière plus particulière encore qu’il habite parmi nous. Ce matin Dieu ne demeure plus simplement au milieu de son peuple, tout en lui demeurant un brin distinct et extérieur, telle la tente du rendez-vous qui fait partie du campement tout en étant à part. Plus que cela, quand le Verbe se fait chair, il épouse et assume notre condition humaine. Il devient l’un de nous afin de partager notre vie. De vivre notre vie. De vire au cœur de notre vie. Quand le Verbe se fait chair, Dieu ne nous est plus simplement présent de cette présence d’immensité en vertu laquelle il remplit tout l’univers, mais il nous est aussi présent de cette présence d’habitation en vertu de laquelle il habite notre cœur. Il se donne personnellement et à chacun à connaître et aimer et devient ainsi plus intime à nous que nous-mêmes.

Mystère de la présence de Dieu en notre cœur. Sauf que nous, nigauds que nous sommes, nous ne cessons de le chercher à l’extérieur, lui qui se tient à l’intérieur. Et nous nous désolons alors de ne le pas trouver. C’est que si effectivement nous ne le trouvons pas, si effectivement Dieu semble absent, ce n’est pas parce que lui ne serait pas présent. Mais parce que nous, nous ne lui sommes pas présents. C’est nous qui sommes absents. C’est nous qui ne vivons pas assez de cette présence à celui qui nous est intérieurement présent. Pour cette raison que nous n’habitons pas nous-même cette intimité de notre cœur où lui habite toujours, de façon ferme, stable, permanente, et indéfectible. Cette intimité de notre cœur que nous désertons alors que lui attend que nous l’y retrouvions. Il se tient là, lui, à l’intime de nous-même. Et nous, nous nous tenons au dehors.

Aussi, en ce petit matin de Noël, demandons à l’Enfant de Bethléem cette grâce du recueillement et de l’intimité avec nous-même qui nous donnera de le découvrir présent en notre cœur, qui nous donnera d’être nous-mêmes présents à celui qui nous est toujours présent, qui nous donnera de vivre de cette présence. Amen.

Fr. Romaric Morin, op

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