Dieu présent, Dieu caché – L’Annonciation

par | 25 mars 2020

Frère Pavel Syssoev

Aujourd’hui Dieu se rend présent dans notre monde d’une manière nouvelle. En entrant dans le monde, il dit : tu n’as voulu ni sacrifice, ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Le Verbe s’est fait chair et il demeure avec nous à jamais.

Il était déjà présent dans l’univers par sa puissance qui soutient le monde à tout instant, tel le soleil qui est présent dans une pièce en l’inondant de sa lumière. Il était déjà présent dans les âmes des justes, en les habitant par sa grâce, telle une source d’eau vive qui abreuve la terre féconde. Mais aujourd’hui, dans le sein de la Vierge Mère, Dieu inaugure une présence nouvelle : ce corps qu’elle porte dans son sein est le corps de Dieu.

Dieu est partout par sa puissance créatrice, mais lorsque je touche un olivier dans notre cour, c’est cette plante-là que je touche, non pas Dieu. Dieu tient tout par son Verbe, il est la source de toute vie, mais lorsque je regarde la tortue du couvent en train de se bronzer au soleil, c’est l’ouvrage de Dieu que je regarde et sa sagesse que j’admire, ce n’est pas Dieu lui-même. Dieu porte tout par son amour, sa grâce illumine les âmes des justes, mais lorsque je loue sa bonté dans mes frères – ce qui m’arrive de temps à l’autre ! – ce sont mes frères que j’ai devant les yeux, non pas Dieu dans son être même.

Mais cet enfant, cet enfant qui commence aujourd’hui à vivre en Marie, c’est Dieu. Celui qui le regarde, voit Dieu. Celui qui le touche, touche Dieu. Celui qui l’écoute, c’est Dieu qu’il écoute. Celui qui l’adore, c’est Dieu qu’il adore. Il est Dieu né de Dieu, Lumière, née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu et Marie, sa Mère, est vraiment la Mère de Dieu. En entrant dans le monde, il dit : tu n’as voulu ni sacrifice, ni offrande, mais tu m’as formé un corps.

Mais ce corps demeure pour instant caché. Jusqu’à la Nativité, ce corps, cet enfant, ce Dieu fait homme reste invisible à nos yeux. Invisible, et pourtant agissant. Caché, et pourtant déjà sanctifiant. Sa venue bouleverse le destin de Joseph : il veillera sur l’enfant Dieu et deviendra l’icône de la paternité divine. Sa venue pousse Marie à la rencontre d’Elizabeth et sanctifie Jean-Baptiste avant même sa naissance. Dieu vient, sa venue est réelle, agissante, sanctifiante, mais encore cachée.

Nous vivons quelque chose de ce mystère. Dieu est là agissant dans son église, dans ses sacrements, mais nous ne pouvons pas le toucher, nous ne pouvons pas le recevoir dans la communion. La vie de prière continue, la grâce du Christ irrigue et sanctifie son église, mais c’est comme si nous étions semblables à Joseph ou à Elizabeth nous tenant tout près de Marie qui porte en elle Dieu fait homme, sans que nous puissions le recevoir.

Ce temps est étrange, il est passager. Nous sortirons de notre temps de confinement. Nous retrouverons nos célébrations et la joie de nous revoir, mais bien plus encore de recevoir la communion, de nous tenir tout près de Dieu qui s’est rendu proche de nous. Ce temps viendra. Mais comment vivre cette période d’attente ?

Comme Joseph, veillant sur Marie.  Une pensée toute particulière pour tous les pères de familles, pour tous les responsables qui doivent veiller sur ceux qui leur sont confiés. Comme Elizabeth exultant à cause de la visitation, même si le salut reste encore caché. Une pensée pour toutes les mères qui doivent veiller sur leurs foyers si chamboulés en ce moments.  Nous pouvons vivre ce temps comme Marie elle-même : elle croît en mystère qu’elle porte en elle, mais ce mystère la dépasse, demeure en partie caché à ses yeux. Nous sommes petits et démunis, mais Dieu vient, il est Emmanuel, Dieu avec nous.  Il ne nous abandonne pas. Sa présence aujourd’hui est paradoxale, mais elle éveille notre foi.

Elle éveille aussi notre espérance. Ce temps-là est un temps de crise, donc de jugement. Qu’est-ce qui est essentiel, qu’est-ce qui est secondaire ? Quelles sont les choses qui peuvent être abandonnées, qu’est-ce qui doit être préservé ? La crise sanitaire aura aussi les répercussions économiques, vous le sentez déjà : vers où tendons-nous ? Quel avenir désirons-nous ? Qu’est-ce qui doit être sauvé ? Où est mon espérance ?

Sa présence paradoxale éveille notre charité. Il nous faut prendre soin des plus fragiles. Il nous faut aimer nos proches dans cette proximité de confinement, ce qui exige une grande créativité et une vraie conversion. C’est par charité que nous sommes appelés à prendre nos distances. Notre communion s’exprime aussi par notre éloignement physique et par le désir de l’union des cœurs. Pensons à toutes les personnes seules, isolées : l’Annonciation appelle la Visitation.

Aujourd’hui Dieu prend chair dans le sein de la Vierge Marie. Il se rend présent au monde d’une manière radicalement nouvelle. Sa venue est notre salut, notre guérison, notre libération. Elle est réelle et pourtant elle demeure cachée. Vivons de ce mystère afin de vivre aussi de cette gloire qu’il veut pour nous. Là, nous le verrons face à face. Là, nous connaîtrons la plénitude de notre communion. Là, il n’y aura plus de pleurs, de larmes ni d’angoisse. C’est pour cela qu’il vient. Tu n’as voulu ni sacrifice, ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes, ni sacrifices pour le péché. Alors, j’ai dit : Me voici, je viens mon Dieu   pour faire ta volonté !

 

Frère Pavel Syssoev

Frère Pavel Syssoev