Invincible royaume – fr. Antoine-Tingba o.p.
Invincible royaume
11°dim T.O.
Le règne de Dieu, le royaume de Dieu, qu’est-ce que c’est ? Dans les évangiles, on peut le remarquer, le contenu central de la prédication de Jésus, de ses paraboles fut le Royaume de Dieu. Et la manière dont Jésus en parle ce dimanche dans deux paraboles qui ont une correspondance frappante, suscite encore davantage notre curiosité. Nous l’avons entendu, l’enseignement de Jésus sur le règne de Dieu est donné en paraboles. Les deux paraboles, celle de la semence qui pousse toute seule et celle de la graine de moutarde qui plus tard devient un grand arbre, nous aident à entrevoir le mystère du règne de Dieu.
Le rapprochement entre les deux paraboles fait qu’elles se ressemblent sur plusieurs points. Elles ont en parallèle l’introduction qui en fait une représentation du règne de Dieu. Les images employées le sont également : la semence qui pousse toute seule jusqu’à la moisson et la graine de moutarde semée qui finalement devient un arbre d’une proportion spectaculaire. Aucune explication à cela. Aussi, les deux paraboles soulignent la phase finale de la semence : une récolte certaine au temps de la moisson, un énorme arbuste qui déploie ses larges branches et offre un immense ombrage.
Dans l’une ou l’autre parabole, la semence enfouie dans la terre garde sa fécondité. Le royaume apparaît tout d’abord comme quelque chose de simple mais vivant. Il est peu visible, encore minuscule qu’il est. Il sera pleinement réalisé à la fin de sa croissance, mais il commence dès maintenant, et il se développera jusqu’à son achèvement. Ensuite, notre Seigneur annonce que le royaume se réalise progressivement. Et dans cette dynamique, l’action de Dieu est prépondérante. Dieu est toujours à l’œuvre, car nuit et jour, la semence germe et grandit. Elle se développe en dehors de toute intervention humaine. Le règne de Dieu est également une réalité eschatologique. Il se confond dès lors avec celui du Messie, le Christ. Jésus qui annonce le royaume, est lui-même ce royaume. Seulement, déjà présente en Lui, la réalité du royaume est encore voilée. C’est lui la semence enfouie en terre.
Les paraboles permettent de bien saisir certaines grandes lignes de l’avènement du règne de Dieu. Nous constatons cette tension entre les débuts insignifiants et l’éclat final. Dieu lui-même a commencé d’agir à travers son envoyé, il mènera aussi cette œuvre à sa fin. L’expérience du règne présent garantit sa venue future. Dans la personne de Jésus, le futur de Dieu a pénétré le monde présent.
Jésus annonce un royaume qui n’est pas celui qu’attendait la foule réunie autour de lui. Son royaume est supérieur à tout, c’est la semence qui grandit et dépasse toutes les plantes potagères. Jésus est la grandeur de Dieu qui pour nous sauver s’est fait tout petit, en s’abaissant et en acceptant de mourir sur une croix. Par cet abaissement, il est devenu le grand arbre où tous peuvent venir se reposer. L’annonce du règne de Dieu est donc un message de joie. C’est en même temps, comme le montre saint Paul, une espérance : nous aimerions mieux être en exil loin du monde pour habiter chez le Seigneur. Que nous soyons chez nous ou en exil, notre ambition, c’est de plaire au Seigneur.
Le moyen le plus efficace pour accueillir la force de cette double parabole est sans doute de nous soumettre aujourd’hui à l’action de Dieu, car c’est Dieu qui fait advenir en plénitude son règne. On se rend bien compte que ce n’est pas l’action humaine qui produit le Royaume, mais la puissance de Dieu, cachée dans la semence de sa parole. Jésus a semé la Parole, et il est lui-même la semence de Dieu jeté dans le cours de l’histoire. Il a juste besoin de trouver une terre disposée à l’accueillir. Si nous la semons en notre vie, si nous la semons en ce monde, il en vient une moisson de grâce !
Tous, nous avons reçu à travers les sacrements d’initiation, la marque du Christ, un don de grâce parfaitement proportionné à notre personne, à notre nature : nous avons reçu le don de foi, d’espérance et de charité. Nous avons été fortifiés dans différentes vertus cardinales et morales. Nous avons été configurés au Christ, et son Esprit nous a enrichis de divers charismes. C’est ce dont parle Jésus, en termes de grain jeté dans le champ, appelé à croître et à porter du fruit. Ou encore c’est cette graine de moutarde, visiblement minuscule, mais en puissance de devenir un grand arbre. Comme la parabole le montre, la dynamique de la vie spirituelle est là : développer l’être spirituel qui est en nous, travailler à ce que s’épanouissent ces dons, ces vertus, ces charismes, et devenir débordants de cette vie divine que le Seigneur a déposée en chacun de nous.
Avouons-le, le règne de Dieu ou le royaume de Dieu est un mystère. Il ne se définit pas et ne se décrit pas à la manière des royaumes terrestres. Le royaume de Dieu est en pleine croissance. On peut s’y opposer mais on ne peut l’empêcher. La réalité même de ce royaume invincible nous introduit dans cette vérité que notre vie doit être tout entière commandée par l’avènement du règne de Dieu, de telle manière que notre vie elle-même perdrait tout son sens si ce règne n’existait pas. Nous sommes concernés et impliqués dans l’avènement du royaume de Dieu. Puisse donc le règne de Dieu s’exercer plus souverainement et plus largement sur des cœurs plus nombreux et plus accueillants.