Jésus, le Passe-Muraille

par | 6 mai 2022

Avatar

Peut-être vous souvenez-vous, frères et sœurs, d’un film des années 50 de Michel Audiard, Garou-Garou, le passe-muraille. Il s’agissait d’une adaptation d’une nouvelle de Marcel Aymé. Le personnage principal, incarné par Bourvil, est un petit fonctionnaire qui se découvre un jour la capacité à passer à travers les murs.
Cet homme n’a rien inventé puisque presque vingt siècles auparavant un certain Jésus fait le même coup à ses disciples.
Si l’on excepte la stupeur de ceux qui assistent au phénomène, nous ne sommes décidemment pas dans le même registre. Permettez-moi de trouver trois différences fondamentales.
La première concerne la surprise. Dans l’un et l’autre cas, elle n’est pas dans le même camp. Garou-Garou, lorsqu’il traverse un mur la première fois est le premier étonné. Rien de cela chez Jésus : ce sont les disciples qui ont peur. Ils se sont bien barricadés. Et, nous l’avons entendu, il leur donne une parole de paix.
Gardons-nous bien de jeter un peu trop vite la pierre aux disciples. Oui, ils se sont barricadés devant une situation absolument incompréhensible. Et nous n’aurions pas fait mieux. Quand on a mal, on se recroqueville, on se renferme… simple réflexe de protection ou de survie. Et Jésus ne fait aucun reproche et encore moins la morale. Il donne une parole de paix. Pas de reproche dans ses paroles. Juste la paix, l’envoi en mission et la force de l’Esprit qui est donnée. Encore faut-il, comme nous l’a fort justement rappelé l’homélie d’avant-hier, qu’il ne souffle pas dans le vide !
La deuxième différence concerne l’utilisation du don. Garou-Garou va l’utiliser dans un registre négatif, de plus en plus négatif, d’ailleurs. Tout d’abord il va se venger, puis il commettra des larcins de plus en plus répréhensibles… pour séduire sa belle. Or Jésus ne vient pas pour séduire… mais pour convertir.
Nous avons nos dons, nous aussi. Comment les utilisons-nous ? Pour séduire ? Pour convertir ?
Méfions-nous des sourires enjôleurs et des photos prises selon le bon angle –il n’y a là aucune référence à l’enveloppe que nous avons tous reçue cette semaine– là n’est pas l’essentiel, nous le savons bien… mais nous l’oublions si vite, trop heureux que nous sommes d’être séduits, d’être caressés dans le sens du poil. N’en avez-vous pas assez, frères et sœurs, des menson-da-ges ?
Méfions-nous tout autant de notre désir de plaire à tout prix. Oui, cette homélie est filmée. Non, je ne vais pas me précipiter pour voir si elle est likée… ou pas… avant de faire une crise existentielle forcément ridicule. N’en avez-vous pas assez, frères et sœurs, des réseaux a-sociaux ?
Si votre réponse est « non » à au moins une de ces deux dernières questions –on peut toujours rêver– tout n’est pas perdu. Il existe un antidote : le chapelet. Lâchez vos écrans et ce satané portable et prenez votre chapelet. (Je vous rassure tout de suite, l’empreinte carbone est neutre). Par Marie, en méditant la vie de son Fils avec elle, vous mettrez vos dons au service de son Fils. Elle en fera de l’or. Dans une semaine s’ouvre le mois de Marie. Vous savez ce qu’il vous reste à faire.
La troisième différence, c’est que le don de passer à travers les murs est plus ou moins… éternel. Dans le film auquel je faisais référence, notre apprenti malfrat va se retrouver prisonnier… des murs ! Quelle fin tragique. On y verrait presque une mise en garde évangélique : la liberté donnée à l’homme par Dieu est bonne… encore faut-il que l’homme l’utilise à bon escient. Combien de libertés se sont muées en véritables esclavages ?
Rien de cela pour Jésus, il est là où il veut, comme il le veut et quand il le veut. Pas question de rester prisonnier des murs de nos cénacles. Il est libre, bien plus que l’air ! Et c’est sa liberté qui lui donne cette proximité. Nous avons à cultiver notre liberté, frères et sœurs, alors nous ne serons pas d’un parti ou de l’autre, d’un camp (forcément celui du bien) ou de l’autre. Nous serons tout à tous.
Trois différences fondamentales pour nos passeurs de murs.
Mais cette histoire de passer les murs, ne serait-ce bon que pour nos Écritures ou, pire encore, ne serait-ce que du cinéma ?
Permettez-moi de penser le contraire en prenant pour preuve une anecdote vécue et racontée par un de nos frères dominicains d’Europe de l’Est. À la fin des années 80, son père était militaire en poste à Moscou. Encore dans ces années-là, malgré ce que les Occidentaux croyaient penser –en fait, répétaient servilement– il était très difficile à un catholique de pratiquer sa foi à Moscou. –Les temps changent. Pas les journalistes, hélas.–
C’était en cachette que ce frère allait à la messe parfois avec son père à l’église Saint-Louis des Français. Ils risquaient gros. Quand ils ne pouvaient pas aller à la messe, le dimanche, ses parents fermaient les portes et les fenêtres de la maison et ils ouvraient une Bible. Et là, le frère disait : « le Christ était tout à coup au milieu de nous. Il franchissait les murs et mes parents devenaient révélateurs de Dieu. »
Frères et sœurs, qu’attendons-nous pour laisser entrer le Christ dans notre cœur qui ressemble tant à un cénacle bien fermé, où nous sommes tout à fait barricadés… et qui sent parfois un peu le renfermé ?
Qu’attendons-nous pour le laisser entrer dans nos familles, nos communautés, nos sociétés ? Les murs sont parfois bien hauts, peut-être, avec tant de raisons légitimes, mais il passera toutes les murailles sans jamais nous forcer.
Il passera toutes ces murailles si nous devenons, ne serait-ce qu’un peu, révélateurs de Dieu. Il suffira peut-être, comme la grande sainte Catherine de Sienne que nous fêterons cette semaine, de reconnaître que nous ne sommes rien et que Lui est Tout.
Quelle terrible sentence !
Nous ne sommes rien et Lui est Tout.
Mais de ce rien, il fera des merveilles, il y révèlera sa splendeur et bien plus encore. Il suffit de le laisser faire.
Mon Seigneur et mon Dieu.
Amen.

Avatar

Louis-Marie Arino-Durand