Le feu et la poudre – fête de sainte Catherine de Sienne

par | 29 avril 2020

Frère David Perrin

Les vérités que les écrits de sainte Catherine de Sienne contiennent sont autant de barils de poudre capables de mettre le feu au monde ! Pensons aux paroles, par exemple, que Jésus adresse à sainte Catherine, lors d’une de ses toutes premières apparitions : « Sais-tu ma fille qui tu es et qui je suis ? Si tu as cette double connaissance, tu seras heureuse. Tu es celle qui n’est pas, je suis Celui qui suis. » (Vie, chap. X) Au regard de la majesté et de la grandeur de l’être divin, l’être humain est, en effet, bien peu de chose. Et ce peu de chose est moins que rien, à cause du péché.
 
Mais si nous ne sommes presque rien devant Dieu, pourquoi s’intéresse-t-il tant à nous ? Pourquoi le Père nous a-t-il donné son propre Fils ? « Ô abîme de charité ! Vous êtes donc si éperdument attaché à vos créatures qu’il semble que vous ne puissiez vivre sans elles ! Et pourtant vous êtes notre Dieu ! Vous n’avez nul besoin de nous, notre bien n’ajoute rien à votre grandeur puisque vous êtes immuable ! Notre mal ne saurait vous causer aucun dommage, à vous qui êtes la souveraine et éternelle bonté ! Qui vous entraîne donc à tant de miséricorde ? L’amour ! » (Le Dialogue, chap. IX). Dieu, en effet, est fou d’amour pour nous, non pas en raison de nos mérites — nous n’en avons pas — mais en raison de sa propre bonté qu’il veut nous communiquer. Comment notre amour-propre ne serait-il pas blessé à mort par cette vérité ? Nous aimons tellement faire la roue, comme les paons, devant Dieu et lui donner de bonnes raisons de nous aimer… En vérité, ce n’est pas parce que nous sommes aimables que Dieu nous aime. C’est parce que Dieu nous aime que nous sommes aimables ! Dieu est la cause de notre bonté, le créateur et le donateur de tout bien.
 
Mais si Dieu est la source de tout bien, pourquoi donne-t-il si inégalement ses grâces ? Pourquoi n’avons-nous pas tous l’intelligence d’un saint Thomas d’Aquin ? la volonté d’une sainte Catherine de Sienne ? la joie d’une sainte Thérèse de Lisieux ? Sans aller si loin, sans avoir de telles prétentions, pourquoi n’avons-nous pas la foi, la joie, la générosité, la patience de tel ou tel ami ? Au Royaume de Dieu, les hommes ne sont pas tous égaux en grâce. Faut-il s’en attrister ? Se mettre à envier ceux qui nous semblent avoir plus de talents que nous ? Accuser Dieu ? Sainte Catherine nous enseigne une autre voie. Elle nous apprend à nous réjouir des dons que Dieu fait à notre prochain en nous faisant remarquer que nous sommes toujours les heureux bénéficiaires des talents des autres. L’homme paisible pacifie ceux qui l’entourent. L’humble fait une place à tous parce qu’il ne méprise personne. Le miséricordieux fait miséricorde. L’intelligent éclaire ceux qui le questionnent… Non seulement nous profitons des grâces que Dieu accorde aux autres mais nous nous retrouvons comme obligés de nous tourner les uns vers les autres car personne, en effet, ne se suffit à lui-même : « Il était en mon pouvoir de doter les hommes de tout ce qui leur était nécessaire pour le corps et pour l’âme ; mais j’ai voulu qu’ils eussent besoin les uns des autres et qu’ils fussent mes ministres pour la distribution des grâces et des libéralités qu’ils ont reçues de moi. Qu’il le veuille ou non, l’homme ne peut ainsi échapper à cette nécessité de pratiquer l’acte de charité ! » (Dialogue, chap. VI).
 
Reconnaître sa petitesse et son néant, contempler la folie de l’amour gratuit et miséricordieux du Seigneur, donner à l’autre ce qu’il lui manque, se tourner vers celui qui a, rendre grâce au Seigneur pour ce qu’il nous donne et ce qu’il donne aux autres… Ne sentez-vous pas, frères et sœurs, que sainte Catherine est en train de mettre le feu à votre âme ?

Frère David Perrin

Frère David Perrin