Le mariage pour tous !

par | 20 janvier 2019

Frère Pavel Syssoev

Six jarres, à une centaine de litres chacune, remplies d’un vin exquis – pourquoi une telle abondance ? Et en plus, c’est le commencement des signes, nous dit l’évangéliste, le signe source, celui qui dit le sens de tout ce qui va suivre, et tout cela pour un mariage qui n’est même pas celui de Jésus !

Les légions d’anges chantaient dans la nuit de Noël – c’est normal, c’était la naissance de Jésus. Les mages apportaient l’or, l’encens et la myrrhe des pays lointains – c’est juste, c’était pour la manifestation de Jésus. La voix du Père résonnait dans les cieux déchirés, et l’Esprit Saint planait sur les eaux de Jourdain, mais c’était le baptême de Jésus. Ce mariage-là n’est pas celui de Jésus. Pourquoi alors le choisir comme commencement des signes ?

C’est que tout mariage humain, même celui des parfaits inconnus de Cana, nous dit le dessein éternel de Dieu. Il nous dit ce pour quoi nous venons en ce monde. Tous. Sans exception aucune.

On ne te dira plus : « Délaissée ! » A ton pays, nul ne dira : « Désolation ! » Toi, tu seras appelée « Ma préférence », cette terre se nommera « L’Épousée ». Car le Seigneur t’a préférée, cette terre deviendra « L’Épousée ». Comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu.

Tu seras la joie de ton Dieu. Voilà pourquoi le vin coule à flot en ce jour. Voilà pourquoi le Messie inaugure son ministère par ce signe. Voilà pourquoi l’évangéliste commence ainsi l’annonce de la Bonne Nouvelle : tu seras la joie de ton Dieu.

Pour cela nous sommes tous créés. Vers cela tend toute l’histoire de notre monde. Puis, je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle – le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n’y en a plus. Et je vis la Cité Sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu ; elle s’est fait belle, comme une jeune mariée parée pour son époux.

Mariage pour tous ! Le tout premier signe que Jésus pose pour inaugurer sa prédication le dit clairement – la joie du mariage est pour tous ! Tous y sont appelés, tous y ont droit, pas un n’en est privé. De là, cette joie qui déborde et se propage tel ce vin en abondance, surgissant comme de nul part et se répandant avec une générosité divine.

Mais Jésus, lui, n’est pas marié ! Il enseigne l’indissolubilité du mariage, mais il n’a pas femme et enfants. Il dit en plus qu’à la résurrection, on ne se marie plus, on ne prend plus mari ou femme, on est comme des anges dans le ciel (Mt 22, 30). L’éloge du mariage fait par un célibataire convaincu, n’est-il pas suspect ?

Ne nous trompons pas de mariage. Une vraie conversion de perspective est nécessaire. Ce n’est pas notre pauvre famille terrestre qui fonde la vie divine, c’est la vie de Dieu qui fonde nos unions. Ce ne sont pas nos alliances fragiles qui disent Dieu, c’est Dieu qui élève son Alliance indissoluble et nous y associe. Dieu est l’Époux et il est Père, et c’est de sa paternité que toute paternité au ciel et sur la terre tire son nom. Tous, mariés ou célibataires, aimables et non-aimables, beaux et pas trop – tous nous sommes appelés à vivre de sa vie, à être sa joie. Tu seras la joie de ton Dieu. Notre mariage ici bas n’est qu’une participation à ce grand mystère. Et notre célibat consacré ici-bas n’est qu’une participation à ce même mystère : le Christ a aimé l’Église, il s‘est livré pour elle, comme un époux pour son épouse. Nos noces et nos naissances disent quelque chose du mystère de Dieu. L’homme naît de l’homme comme Dieu naît de Dieu. Dieu épouse l’humanité et s’en réjouit. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu.

Voilà pourquoi le vin coule à flot. Voilà pourquoi c’est le commencement des signes. Voilà pourquoi ses disciples crurent en lui : ils ont vu l’Époux promis, dont Jean-Baptiste se disait l’ami, dont les prophètes annonçaient la venue, dont notre âme a soif. La soif de cette union que rien, pas même la mort, ne pourra briser.

Fr. Pavel Syssoev, op.

Frère Pavel Syssoev

Frère Pavel Syssoev