Le pouvoir royal du Christ

par | 26 novembre 2023

Fr. Guillaume Petit

Nous acclamons aujourd’hui le Christ en l’appelant Roi de l’univers, c’est-à-dire roi de tout ce qui existe. Cette appellation n’est-elle pas anachronique et contradictoire ?

Anachronique au moins à nos oreilles françaises : n’avons-nous pas fait table rase des monarchies du passé, des rois fainéants et des monarques de droit divin, avec leur cortège d’arbitraire, d’oppression et autres fadaises obscures, tous ennemis de la démocratie et du droit des personnes ? Contradictoires avec la volonté même du Seigneur qui semble bien avoir refusé la royauté : « Jésus savait qu’ils allaient venir l’enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul » (Jn 6, 15).

Pourtant, le livre de l’Apocalypse appelle Jésus « Roi des rois et Seigneurs des seigneurs » (Ap 17, 14 ; 19, 16). Il y a là un écho à la parole de l’ange au moment de l’Annonciation : « Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1, 32-33). Ce titre ne vient pas seulement du Nouveau Testament, il se retrouve dans toute la Sainte Écriture : « Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence » (Ps 92, 1) ou encore : « Voici venir des jours – oracle du Seigneur– où je susciterai pour David un Germe juste : il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice » (Jr 23, 5).

Ce qu’il nous faut comprendre, c’est que le Christ est le vrai roi. Lui seul exerce authentiquement la royauté, parce qu’il est Dieu et homme à qui « tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre » (Mt 28, 18). Toute autorité exercée par les hommes vient de Dieu, ainsi que le Seigneur le dit à Pilate : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais reçu d’en haut » (Jn 19, 11). Saint Paul le dit ainsi : « Il n’y a d’autorité qu’en dépendance de Dieu, et celles qui existent sont établies sous la dépendance de Dieu » (Rm 13, 1). Précisément pour Jésus, son autorité n’est autre que celle de Dieu : « Ma royauté n’est pas de ce monde » (Jn 18, 36).

Le vrai visage de la royauté est révélé dans le Christ : il ne se comporte pas comme les roi des nations : « Les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave » (Mt 20, 25-27). C’est en se faisant serviteur que le Seigneur règne. C’est en livrant sa vie qu’il règne. C’est en mourant pour les pécheurs qu’il règne. « La croix est le signe paradoxal de sa royauté qui consiste dans la volonté d’amour de Dieu le Père sur la désobéissance du péché. C’est justement en s’offrant lui-même en sacrifice d’expiation que Jésus devient le Roi universel »[1].

L’entrée du Christ dans Jérusalem, « plein de douceur, monté sur une ânesse et un petit âne, le petit d’une bête de somme » (Mt 21, 5), conteste la manière dont les hommes envisagent le pouvoir et l’autorité : « Les rois de la terre se dressent (…) Celui qui règne dans les cieux s’en amuse, le Seigneur les tourne en dérision » (Ps 2, 2.4). S’approprier l’autorité au point de croire qu’elle vient de soi au lieu de la reconnaître comme reçue de Dieu et comme service à rendre, se dresser sur les petits dont ils sont en réalité les serviteurs, légiférer sans rechercher « ce qui est bon, ce qui est capable de plaire à Dieu, ce qui est parfait. » (Rm 12, 2), tout cela rend les rois de la terre aussi ridicules qu’une souris qui se prendrait pour un éléphant et infiniment dangereux.

Le pouvoir royal du Christ, « c’est le pouvoir divin de donner la vie éternelle, de libérer du mal, de vaincre le pouvoir de la mort. C’est le pouvoir de l’Amour, qui sait tirer le bien du mal, apporter la paix dans le conflit le plus âpre, allumer l’espérance dans les ténèbres les plus épaisses. ». « Si les hommes venaient à reconnaître l’autorité royale du Christ dans leur vie privée et dans leur vie publique, des bienfaits incroyables – une juste liberté, l’ordre et la tranquillité, la concorde et la paix – se répandraient infailliblement sur la société tout entière »[2].

Se soustraire à ce pouvoir, c’est se livrer pieds et poing liés au pouvoir de la mort. Que le Christ établisse son règne en nous, en notre âme, dans toute notre vie. Qu’il établisse aussi son règne entre nous, dans nos familles et nos communautés. Qu’il établisse son règne dans notre société si divisée. Que ton règne vienne !

fr. Guillaume Petit

[1] Benoît XVI, Angélus du 22 novembre 2009.

[2] Pie XI, Lettre encyclique Quas primas, du 11 décembre 1925, n. 14.

Fr. Guillaume Petit

Fr. Guillaume Petit