Le secret de saint Joseph

par | 21 mars 2019

Frère David Perrin

Comment tant d’hommes, de maris et de pères peuvent-ils se reconnaître dans Joseph ? Sa vie est tellement hors du commun… Aucun homme ne fut et ne sera jamais marié comme lui à une femme sans péché ! Il n’y avait qu’une femme sur terre, une seule femme entre des milliards, indemne de tout péché. Joseph est tombé sur elle : la femme parfaite, comblée de grâce, l’unique. Aucun mari n’épousera jamais une femme comme la sienne. Aucun ne prendra chez lui une femme enceinte par l’opération du Saint-Esprit. Aucun père de famille n’adoptera un enfant comme le sien.

Comment Joseph peut-il rejoindre tant de maris et de pères de famille ? Beaucoup diront que Joseph leur ressemble parce qu’il a été dépassé par les événements, parce qu’il a dû faire face à des défis qu’il n’aurait jamais imaginés. Pour lui non plus, il n’a pas été facile de comprendre ce qui lui arrivait, de trouver sa place dans le foyer, d’être un bon mari et un bon père. Imaginez saint Joseph à Cotignac, livrant son témoignage aux pères de famille réunis autour de lui : « Eh oui, les gars, pour moi, non plus, ça n’a pas été facile. Cette grossesse, je vous assure, je ne l’ai pas vu venir » ou bien encore : « J’ai bossé dans le bois toute ma vie. Je rentrais tard. Les fins de mois n’étaient pas toujours faciles mais on s’aimait, Marie et moi. Et puis, avec la grâce de Dieu, comme disait ma femme, rien n’est impossible. J’ai transmis au petit ce que je savais. Je n’ai pas l’impression d’être meilleur que les autres. Je n’ai fait que mon devoir. Heureusement, la providence m’a donné de sérieux coups de pouce ! » Les pères de famille seraient certainement rassurés d’entendre Joseph leur parler de la sorte, avec des mots à eux, leur raconter son quotidien et ses guerres : « Fallait avoir du courage, je vous dis, pour partir du jour en lendemain en Égypte. J’avais les armées d’Hérode aux trousses. Le désert du Sinaï, je l’ai franchi, avec ma mule, ma femme et mon fils d’un mois sous les bras et presque rien dans la musette. Je n’étais qu’un charpentier, d’accord, mais je ne suis pas né de n’importe quelle tribu, moi. Chez les Juda, on est comme ça. Dans le danger, on est forts comme des lions ! » Serait-ce donc pour ce genre de raisons que saint Joseph serait si proche de nous ? Je ne le crois pas. Il y a dans la masculinité et la paternité de Joseph, bien plus, infiniment plus que tout cela.

Joseph est un homme, un vrai. Pourquoi ? Parce que, comme le dit saint Matthieu, c’est un homme juste devant Dieu et les hommes, un homme qui ne triche pas et ne ment pas, un homme au cœur simple et droit, un homme fort aussi. Cette force ne lui vient pas de ses muscles d’ébéniste. La force qui est en lui est différente, supérieure. Elle ne faiblit pas avec l’âge. C’est la force de Dieu, la force de l’Esprit qui décuple les énergies. Joseph l’a obtenue parce qu’il s’est reconnu faible et nécessiteux, parce qu’il a imploré l’aide de Dieu, parce qu’il a su se mettre dans la dépendance du Père des cieux. Nous touchons là au mystère le plus intime de Joseph, à son secret.

Le secret de Joseph, le secret de sa force, le secret de sa paternité, lui qui n’a pas été le père biologique de son enfant, c’est qu’il s’est reconnu fils de David, fils d’Adam, fils de Dieu. Si Joseph est le modèle de tous les pères , c’est parce qu’il ne se prend pas pour Dieu le Père, parce qu’il ne vole pas à Dieu sa paternité, mais qu’il la révèle et la donne à voir aux autres hommes. Saint Joseph nous apprend qu’il y a un seul Père au-dessus de tous les pères. Leur mission est de conduire leur enfant à Dieu et de se placer, eux-mêmes, sous la main puissante du Père des cieux. Joseph sait qu’il n’est qu’un instrument dans les mains du Seigneur, un humble serviteur de Dieu. S’il fut un bon père, c’est parce qu’il a toujours su qu’il était fils, fils de Dieu. Tel fut son secret.

Frère David Perrin

Frère David Perrin