Plutôt timide et réservé, le Saint-Esprit ? Pentecôte
Plutôt timide et réservé, le Saint-Esprit ? Un brin effacé et modeste ? Les clichés sur l’Esprit, décidément, ont la vie dure. Ses apparitions manifestent, pourtant, un caractère bien trempé, une personnalité aussi volcanique que douce.
Regardez, par exemple, la manière dont il se découvre au prophète Élie sur l’Horeb, ce lieu sacré où Dieu avait révélé sa Loi à Moïse. Dieu passe dans un ouragan si fort qu’il fend les montagnes et brise les rochers. La terre, ensuite, se met à trembler. Et pour couronner le tout, un feu céleste vient dévorer la terre. En quelques heures, tout est détruit, anéanti. Devant Élie, se dresse un paysage de mort et de désolation. Le prophète, pourtant, ne s’enfuit pas et ne désespère pas. Il demeure à l’écoute, attentif. Et voici qu’un bruit de fin silence se fait entendre, comme le murmure d’une brise légère. Le Seigneur est là, tout près. Il entoure Élie, l’enveloppe, le pénètre. Le prophète reconnaît la présence de Dieu et se voile le visage.
L’Esprit-Saint nous enseigne, ici, à ne pas nous enfuir devant les épreuves qui peuvent nous frapper : ouragans, tremblements de terre, incendies qui détruisent ou entament ce que nous avons construit et aimé. Quoi qu’il arrive, il nous faut prêter l’oreille et espérer la venue de l’Esprit-Saint. Dans des circonstances tragiques, l’Esprit arrive rarement de manière spectaculaire mais plutôt de manière discrète, à travers des événements qui peuvent nous paraître sans importance, infimes, dérisoires. Un silence, un murmure, une brise légère, au milieu des ouragans.
L’Esprit Saint sait se faire doux et délicat avec nous, quand nous sommes éprouvés et tourmentés, mais il sait aussi être brusque et violent, quand nous nous endormons et nous attiédissons. Il est alors, pour de bon, l’ouragan et la tempête, comme on le voit à la Pentecôte. L’Esprit Saint déclenche une tempête dans le bocal de la chambre haute où les apôtres se confinent. Avertissement pour nous les croyants ! L’Esprit-Saint ne supporte pas que nous cédions à la peur, à la tristesse et au découragement. Sa brusquerie est nécessaire pour nous secouer et nous réveiller !
L’Esprit-Saint ne se gêne pas, alors, pour tout bousculer et mettre sens dessus dessous nos âmes, pour faire tomber les murs derrière lesquels nous nous cachons. Beaucoup parmi nous, je le sais, ont fait cette expérience. Vous pourriez vous lever et témoigner que Dieu est venu vous visiter, qu’il est entré dans votre vie. Les écailles qui étaient sur vos yeux sont d’un seul coup tombées ! Vous avez entendu la voix du Seigneur clairement et distinctement ! Cette voix qui, pendant des années, vous arrivait comme assourdie. Voilà qu’elle a changé votre vie…
Mais qui sait le temps qu’il a fallu au Saint-Esprit pour réussir à percer votre oreille ? Quelles galeries, il a dû creuser pour saper les murailles de votre cœur ? Qui sait par quelles prières secrètes cette irruption soudaine a été obtenue ? Quelle personne, quel saint ont intercédé pour vous ? Quelle parole a fait éclater votre cœur de pierre ? Les irruptions de l’Esprit-Saint ont une genèse qui nous échappe…
Plutôt réservé et timide, l’Esprit-Saint ? À regarder les formes corporelles, enfin, qu’il a empruntées pour se faire connaître, je dirais qu’il est plutôt audacieux et même carrément osé. Au baptême du Christ au Jourdain, il descend du ciel sous la forme d’un piou-piou, d’une colombe blanche à ailes déployées ! Symbole de douceur, de pureté, de majesté, de calme et de paix ! Certes, mais il fallait y penser et surtout il fallait oser. Plus fort et plus génial encore, selon moi, le coup des langues de feu ! Les apôtres sont encore sous le choc de l’explosion qui les a soufflés et voilà que des langues rougeoyantes et flamboyantes se partagent et se posent sur chacun d’eux. Des langues, oui, des langues ! Vous savez cet organe de 10 cm de moyenne, situé dans votre cavité buccale, qui sert à manger, à parler, à déglutir… Pourquoi ce signe aussi étonnant ?
Parce que l’Esprit-Saint, après avoir ouvert notre oreille, veut ouvrir notre bouche. Il veut nous délivrer de notre mutisme et de tous nos dialogues de sourds. Reconnaissons-le : nous avons tant de difficultés à parler, tant de difficultés, entre nous, à communiquer, à nous faire entendre, à nous faire comprendre. Époux et épouse, parents et enfants, amis, collègues, citoyens d’un même pays, de pays étrangers… La communication, entre nous, est tellement difficile. Impossible même. Une vraie Babel ! C’est que nous ne savons pas parler la seule langue qui transcende les langues particulières, la seule langue universelle, que tout le monde entend : la langue de la charité.
Viens donc, Esprit Saint, en nos âmes ! Viens en nous ! Viens en moi, comme il te plaira, doucement ou violemment, comme une brise légère ou comme un violent coup de vent. Comme une caresse consolante ou comme un ouragan qui abat les murs. Viens étendre sur moi tes ailes, comme une colombe de paix, ô toi mon défenseur, mon avocat. Viens écrire ta Loi dans mon cœur. Viens répandre ton feu car je m’éteins sans toi. J’ai tant besoin de toi, de ta grâce et de ton aide. Je suis muet, Seigneur. Je ne sais pas parler. Sois, toi-même, ma langue, mon langage, ma parole, je t’en prie. Aide-moi à parler la langue de la Sainte Trinité. Toi qui sondes les profondeurs de Dieu et les cœurs des hommes, fais-moi connaître les mystères inaccessibles du Très-Haut et apprends-moi ce que je dois faire pour lui plaire.