Prêtre, victime et serviteur pour tous !

par | 24 octobre 2018

Frère Antoine-Marie Berthaud

J’étais tout jeune prêtre, une personne se confiait à moi : vous savez, mon Père, après ce que j’ai vécu, Dieu ne me le pardonnera jamais. Je suis perdue. Voyez-vous, frères et sœurs, j’ai compris ce jour pourquoi Dieu m’avait demandé de lui offrir ma vie, par amour. Mais revenons à la Parole de Dieu de ce matin : trois lectures, trois visages de Dieu pour mieux connaître, aimer et servir Jésus : le grand prêtre, la victime et le serviteur. J’allais dire un Jésus en trois dimensions.

Tout d’abord le « prêtre ». De tout temps, le prêtre est celui qui opère le sacrifice au nom du peuple, pour obtenir les faveurs du Très-Haut, l’expiation des fautes contre la loi divine. Mais malgré sa ferveur, le prêtre s’avérait bien incapable de remettre la dette de l’offense. Seul Dieu pouvait le faire.

Voilà pourquoi l’épître aux Hébreux désigne bien Jésus comme le grand prêtre par excellence. A la fois Dieu et homme, Jésus est le médiateur parfait entre les hommes et Dieu! Ainsi par son incarnation il a tout connu de nous, absolument tout… sauf que lui n’a jamais fait de mal ! Grâce à Jésus, nous découvrons que si le péché fait malheureusement partie de toute existence humaine, il n’est plus à présent une fatalité ! Dans le Christ aucune tentation n’est inéluctable, comme indispensable à notre condition humaine ! Car rien n’est humain dans le mal commis par un homme !

Jésus est donc le seul prêtre qui puisse remettre les fautes, puisqu’il est Dieu en personne ! Il est la miséricorde et le pardon du Père venue jusqu’à nous. Ce pouvoir est un pouvoir divin, celui d’offrir le seul sacrifice qui puisse enfin réconcilier l’humanité avec son Père et notre Père. Jésus, le grand prêtre !

Jésus est aussi la « victime ». C’est l’évocation du serviteur souffrant du prophète Isaïe. Manifestement c’est le volet insupportable de la Révélation chrétienne. Comment comprendre ce qu’a voulu Dieu le Père en livrant son propre Fils à la main des bourreaux ! « Broyé par la souffrance » « par suite de ses tourments» « parce qu’il a connu la souffrance »… « il se chargera de leurs péchés »… Que de souffrance ! Jésus est bel et bien la victime expiatoire qui va servir de rançon pour le péché du monde. Autrefois le sang des animaux était impuissant à réparer le mal, à rétablir la justice. Aujourd’hui la victime, c’est Jésus, l’Agneau pascal, l’agneau sans tâche, lui, l’innocent sur lequel continue de se déchaîner la haine du monde. Ne nous leurrons pas, frères et sœurs, sur la souffrance endurée par le Christ par amour de nous : « son Corps livré, son Sang versé ! ». Quand on y pense, quel prix effroyable n’a-t-il pas payé pour notre rachat ! Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ! Jésus est la victime.

Mais comment Jésus peut-il être à la fois le prêtre et la victime ? Eh bien parce qu’au soir de sa Pâque, le Seigneur Jésus s’offre ainsi lui-même en un sacrifice qui plait à Dieu son Père, accomplissant alors en toute justice le dessein d’amour du Père : que tout homme soit sauvé par lui !

Enfin Jésus se présente lui-même comme le « serviteur ». Ce mot de serviteur est employé dans son sens ordinaire, de la vie courante, j’allais dire profane. Jésus est « le serviteur » par excellence. Serviteur de son Père et de sa volonté, certes. Mais aussi et dans le même mouvement, serviteur de l’homme et de son salut. Le serviteur donc, entre le grand prêtre qui a tout le pouvoir de Dieu et la victime qui endure tout sans aucun pouvoir, le serviteur est celui qui met tout son pouvoir d’amour à sauver son prochain. C’est ainsi que Jésus fait la leçon aux Apôtres :

« Celui qui veut être grand sera votre serviteur », « Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous ». Et si nous n’avions pas compris : c’est bien dans sa personne, prêtre et victime à la fois, que Jésus réalise l’idéal de l’amour humain transfiguré : celui de serviteur. « Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir »… jusqu’au bout, jusqu’à « donner sa vie en rançon pour la multitude ».

Je vous avouerai, frères et sœurs, que j’ai une vraie sympathie pour Jacques et Jean dans notre Evangile. Après tout, ils ont bien raison de s’occuper de leur avenir. Et si Jésus nous a promis une place dans son royaume, ne faisons pas comme si c’était des paroles en l’air pour faire rêver les petits enfants. Mais voilà que, pour gagner une bonne place dans le Royaume des cieux, il nous faut répondre à une question et respecter une consigne… et ainsi devenir des chrétiens selon le cœur de Dieu, des saints à l’image et ressemblance de son Fils unique !

La question ? « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? » C’est-à-dire êtes-vous prêts à aimer jusqu’au bout, fidèles à Dieu, au risque de souffrir comme Jésus ? Et la consigne ? En attendant la gloire, mettez-vous déjà au service de vos frères. C’est la seule manière de ne pas se tromper, d’imiter Jésus et de lui ressembler !

C’est le sens du « oui » magnifique de la Vierge Marie ! C’est le sens du « oui » magnifique, frères et sœurs, de notre baptême vécu au jour le jour ! C’est le sens de notre « oui » magnifique, mes Sœurs et mes Frères, dans la vie consacrée et, chers amis qui êtes mariés, le sens de votre parole donnée et de votre fidélité totale jusqu’à la mort ! Vous imaginez, alors le « oui » du prêtre… Combien il est grand, combien il est beau, une pure grâce ! Et combien il fait de mal quand il est trahi !

Ma chère Pétronille, c’est aussi le sens de ton « oui » à Jésus en ce jour de ta Première Communion. C’est le sens de ce que nous demande le prêtre en nous présentant le Corps très saint du Christ à chaque communion. Que notre « amen », frères et sœurs, (et non pas merci comme on l’entend parfois !) que cet « amen » que nous répondons et qui veut dire « c’est vrai, j’y crois et je veux te suivre » ne soit jamais prononcé à la légère !

Et même si nous ne pouvions actuellement communier, que ce Sacrifice eucharistique soit pour tous maintenant la source de notre salut, la force de redire oui à Dieu et de nous mettre au service ! Amen.

Fr. Antoine-Marie Berthaud, o.p.

Frère Antoine-Marie Berthaud

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