Temps de remettre les dettes

par | 22 septembre 2019

Frère Pavel Syssoev

Ce gérant trompeur, le maître fit son éloge.

Qu’y a-t-il de si louable dans la conduite du gérant inique ? Pourquoi Dieu lui-même nous le donne-t-il en exemple ?

C’est qu’il a inventé le pardon. Face au désastre qui l’attend, il choisit résolument de remettre les dettes. Il pardonne largement, prestement, sans retard ni délais. Il convertit les biens de ce monde en amitié. Il assure son avenir, en se débarrassant du passé.

Oui, me direz-vous, mais ces biens ne sont pas à lui. Il n’est qu’un intendant, il remet les dettes qui ne lui reviennent pas. Facile à pardonner, lorsque cela ne nous coute rien !

D’abord, gérer les grands biens, ce n’est pas rien. Il connaît la propriété, il y passe du temps, et lorsqu’il faut retrouver les débiteurs, il le fait immédiatement – visiblement, tout en étant inique et malhonnête, il n’est pas négligeant. Son métier de l’Argent trompeur, il le connaît et l’exerce avec un certain don de soi.

Mais surtout, tous, ne sommes-nous pas des gérants des dons de Dieu ? Les richesses et les biens qui sont les nôtres, ne viennent-ils pas d’un don absolument gratuit de Dieu ?  Ma vie même m’est donnée, mon intelligence, ma volonté, je ne fais que fructifier ce que j’ai reçu. Mon grande œuvre est d’augmenter ces dons. Un gérant qui se prend pour propriétaire commet une lourde faute professionnelle. Il est malhonnête, inique. S’il oriente les biens contre la volonté du maître, il les gaspille. Quand nous faisons des dons de Dieu notre petit fond de commerce, nous sommes des gérants malhonnêtes, le renvoi est tout proche.

La destination universelle des biens a toujours été un enseignement constant de l’Eglise. Non   pas l’abandon de la propriété privée, mais le fait que notre travail et notre richesse doivent servir à tous, en cercles concentriques, en commençant par les plus proches et les plus faibles. Notre vie, est-elle un service ou une accumulation ? Quand nous commençons à nous étouffer sous le poids des biens ramassés – volés sur la générosité divine ! – que faire ?

Les distribuer. Notre monde s’étouffe devant l’amour qui n’est pas partagé, disait mère Teresa. Cette odeur de rassis, d’enfermé qui nous empoisonne, vient de ce que nous tenons avec une telle avidité. Le lâcher, le pardonner, le distribuer : « Combien dois-tu à mon maître ? – Cent barils d’huile. – Vite, écris cinquante ». Remettre, transformer les biens de ce monde en amitié. Ce dont j’ai été établi gérant ne pourra fructifier que s’il est largement distribué.

Dieu loue cet intendant, car lui-même gère ses biens de la sorte. Il sème largement, sur la terre aride et sur la terre fertile. Il fait lever son soleil sur les justes et les injustes. Il déverse ses bienfaits en abondance même sur ceux qui le méprisent. Il donne jusqu’à son Fils Unique à ceux qui n’en ont cure. Sa générosité fonde la nôtre. Sa richesse devient vraiment nôtre quand nous la mettons au service de tous.

Une nouvelle année académique et pastorale commence. Chaque dimanche nous nous retrouvons ensemble pour prier, célébrer l’Eucharistie, être nourri de ce Dieu qui se livre à nous. Chaque dimanche nous communions ensemble au même Corps. Ainsi sommes-nous appelés à former un seul corps. Se connaître. Se parler. Prendre soin les uns des autres. Être non pas des consommateurs de Dieu, mais les intendants des mystères de Dieu, ceux qui partagent la vie divine et qui la cultivent les uns dans les autres. Demandons à Dieu cette grâce de servir les uns les autres – là est notre bien véritable.

Frère Pavel Syssoev

Frère Pavel Syssoev