Trois personnes, trois moments, nous pourrions dire trois notes unies, et votre Vie!

par | 3 février 2013

Fr Hughes-François Rovarino

Trois personnes, trois moments, nous pourrions dire trois notes unies, et votre Vie !
4ème Dimanche – Temps ordinaire – Bordeaux « Messe des Artistes » – 3 février 2013
Trois personnes, trois moments et votre vie, voici notre liturgie ! Jérémie, Paul, Jésus, les héros du jour se sont présentés à nous, tour à tour. Ils se sont levés. Ils sont venus vers nous. Ils ont fait entendre des sentences, des leçons.
Mais il y avait alors plus que des paroles. Dans notre liturgie, il s’agit bien de personnes qui parlent ou écrivent, plutôt que de messages seuls.
De nos jours encore leurs pas résonnent. Il importe peu que certains comme Paul aient deux mille ans déjà, voire quelques six siècles de plus comme Jérémie. Quinelesait :« L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins. » Ce rappel du pape Paul VI relève la grâce de ce moment présent (Paul VI Annoncer l’Évangile n°41, 1975).
Trois personnes, trois moments, nous pourrions dire trois notes unies pour annoncer une musique. Trois notes : qu’est-ce à dire ? Celle qui vient du fond des âges ; celle qui descend de l’éternité ; celle qui frappe et appelle à se prononcer soi-même. N’est-ce pas ainsi que nous pourrions les entendre ?
Jérémie et l’identité de soi, note sourde ; Paul et l’amour qu’est Dieu, cette charité qui peut inonder et rayonner en nos cœurs et au-delà d’eux, note lumineuse ; Jésus qui fait choc, et que les habitants de Nazareth ne veulent pas entendre, note essentielle pourtant sur un rythme entêtant !
Trois notes qui s’enchaînent : elle ne font pas nombre, elles esquissent une histoire ; elles ne sont pas trois éléments isolés, elles ne s’empilent pas : elles s’appellent, pour s’associer et communier ensemble à un mystère plus grand, celui que nous célébrons. Elles prennent leur place, comme des notes qui résonnent ; et en les entendant, en écoutant leur voix, en recueillant leur souffle, nous sommes incorporés à l’histoire qu’elles révèlent.
Ces personnes, ces moments, ces notes : c’est de l’art. On a pu dire : « L’art, c’est d’être absolument soi-même », quelque chose qui nous ressemble et qui nous dépasse ; comme un « mystérieusement soi-même » ! Soi-même ; mais pas comme une île, pas isolé, pas démuni ! Soi-même, incomparable !
La grâce du Seigneur ne peut rêver plus grand que de nous faire partager cette communion à Dieu qui révèle la plénitude de notre personne immortelle, transfigurée en lui, appelée à sa vie ! A cela, il nous éveille.
1- Sans doute, est-ce que c‘est ce que perçoit Jérémie quand il fait mémoire de son identité, de sa dignité, et qu’il nous révèle la nôtre :« Avant même de te former au ventre maternel, je t’ai connu », lui dit le Seigneur. « Je suis avec toi pour te délivrer. Voilà la chance de ton existence. Pour toi, je suis aussi Sauveur, éternellement Sauveur ! » Et Jérémie l’illustra par sa vie.
2- Sans doute, est-ce ce que Paul veut rappeler aux habitants de Corinthe : « Aspirez au dons supérieurs » ; etencore : «  La Charité ne passe pas ».
C’est-à-dire : « L’amour de charité qu’est Dieu ne peut qu’être le principe et la norme de la vie de grâce du disciple de Jésus-Christ ». « Habitant de Corinthe ou d’ailleurs, de tout lieu et de toutes époques, connu de Dieu, aimé du Seigneur, reconnais ta dignité, et accueille la grâce : vis en ce monde avec elle, ‘grâce’ à elle – si l’on peut ainsi dire – et grâce à elle aussi communie pour l’éternité avec ton Sauveur. Car moi qui le dit – pourrait confier Paul – c’est ce que je fais pour t’aider. J’ai vécu cette charité ». On sait qu’il donnera sa vie par elle !
3- Sûrement, c’est encore ce que vient manifester Jésus à Nazareth. Si ses amis et relations ne le reconnaissent plus, il aura cependant livré comme à un commencement de sa vie publique, ce qui prime aux yeux de Dieu, un amour universel, comme la charité que montra Elie envers une veuve de Sarepta, en territoire de Sidon, ou celle ou qu’accomplit d’Elisée envers Naaman le Syrien, guéri au Jourdain, tous sauvés alors qu’ils n’étaient pas du Peuple Elu.
Car tout homme ressemble à ce que percevait déjà Jérémie ; et chacun doit bénéficier de ce qu’écrivait Paul : avoir la charité pour toute référence. Et si Jésus parle à des nazaréens, sa visée est universelle.
Ce commencement à la synagogue de Nazareth annonce déjà tout le ministère de Jésus et le résume par des mots que l’on peut prendre à un écrivain: « S’en aller, c’est gagner son procès contre l’habitude » (Paul Morand, Le voyage). Alors que les habitants de Nazareth ne reconnaissent plus celui qu’ils virent grandir et jouer dans leur village, Jésus passe au milieu d’eux, évitant leur agression et leur rejet, leur habitude fatale !
Trois notes, trois moments, trois personnages surtout et notre liturgie… La prophétie du Seigneur ne sera pas là pour nous blinder face à l’adversité, ni face à ceux qui veulent rejeter le Seigneur, comme ces nazaréens.
Mais la prophétie résonne pour que nous grandissions dans la conscience de notre dignité, dans celle des moyens que le Seigneur nous offre pour vivre avec lui, à savoir le choisir au-delà d’habitudes fatales, souvent trop petites pour le cœur de l’homme, lorsque ces trois notes viennent résonner en lui, accordées à une musique divine, éternelle.
Que ce moment liturgique nous aide et nous fasse communier à cette aventure de la grâce en nous incorporant à l’aventure de ces personnes, pour que nous demeurions en Dieu à jamais, et reflétions en ce monde de sa vérité et de sa charité – poserait-elle seulement question ici-bas, ce serait déjà un service pour tous.

fr. Hugues-François Rovarino, op

Fr Hughes-François Rovarino

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