“Une main a tiré, une autre a guidé” – Jean-Paul II

par | 15 mai 2020

Frère David Perrin

Nous sommes le mercredi 13 mai 1981. Il est 5h du matin. Le tireur d’élite, islamiste, Mehmet Ali Ağca, se réveille dans la chambre de l’hôtel Isa, situé à quelques centaines de mètres, à peine, du Vatican. Il se dit que le « grand jour » est arrivé, son « dernier jour sur terre ». Après quelques exercices de gymnastique, une douche glaciale, comme dans les camps d’entraînement. À voix basse, il prie : « Allah, protège-moi et, au terme de cette journée, ouvre-moi les portes du paradis. » Il s’habille, charge treize balles dans son revolver, un Browning calibre 9. Douze balles pour le pape, la treizième sera pour lui. Il place son pistolet sous sa chemise, bloqué par sa ceinture, et sort de l’hôtel. « Bonne journée ! » lui lance la dame assise derrière le comptoir de la réception.

Le soleil commence tout juste à illuminer les rues. L’air est frais, ce matin. L’assassin a du temps devant lui. L’audience du pape n’a lieu qu’en fin d’après-midi. Alors il déambule dans la ville, visite le Colisée, le forum, comme n’importe quel touriste. À 15h, il rejoint la place saint Pierre qui se remplit peu à peu pour l’audience. Au bureau de poste du Vatican, près de la colonnade, il achète des cartes postales et des timbres. Il invente des adresses et écrit : « Saluts du Vatican. Aujourd’hui le pape va en enfer. » Il signe les cartes, les poste, puis se dirige vers le centre de la place, près du grand obélisque. Un policier le regarde, intrigué, mais finit par se détourner de lui. Les gens s’amassent de plus en plus. Ils chantent, prient, parlent, trépignent d’impatience. À 17h, enfin, la jeep du pape débouche sur la place.

Sous les acclamations, Jean-Paul II bénit la foule, embrasse les enfants. Mehmet Ali se rapproche d’une barrière. La jeep va bientôt passer devant lui. Mais quand elle se présente, le pape se retourne. Le « loup gris » ne tire pas. Il veut voir sa victime dans les yeux. Cela ne fait rien. Il sait qu’il aura une deuxième chance et que la jeep fera un second tour. Quelques minutes plus tard, en effet, la voiture revient. Le pape n’est plus qu’à quelques mètres de son assassin. Mais on lui présente une petite fille aux boucles blondes. Le tireur est obligé d’attendre. Quand l’enfant disparaît dans la foule, c’est le moment. Il sort son pistolet au-dessus des gens, incline le canon pour viser le cœur et tire. Un premier coup, puis un second, en criant : « Allah ». Il s’apprête à tirer une troisième fois mais le revolver s’enraye. Le pape s’affaisse. Il est emporté à toute vitesse à la clinique Gemelli. Mehmet Ali, de son côté, tente de fuir mais une sœur l’enserre et le plaque au sol avant que les policiers ne s’emparent de lui.

Comment ces deux balles, tirées à moins de trois mètres du Pape, ne l’ont-elles pas tué ? Comment le pistolet d’un tireur d’élite a-t-il pu s’enrayer ? Pour Jean-Paul II, cela ne fait aucun doute. C’est la Vierge Marie, au jour anniversaire de son apparition à Fatima, qui a détourné les projectiles. « Je sais que j’ai visé juste et que la balle était puissante et mortelle », lui dit Mehmet Ali dans sa prison. Le Saint-Père lui répond : « Une main a tiré, une autre a guidé. » La main invisible de la Vierge a protégé le pape, elle qui, le 13 juillet 1917, avait montré à trois enfants « un évêque vêtu de blanc » tué par une arme à feu. En 1981, Jean-Paul II était le seul à connaître cette partie du secret de Fatima. Il savait qu’il lui devait la vie.

Comme lui, embrassons la main de la reine de la Paix, qui détourne les balles et fait danser le soleil. Ce 13 mai 1981, la Vierge nous a appris que ses prédictions ne sont pas inéluctables. Elles éclairent notre histoire, nous montrent vers quoi elle peut s’orienter, mais elles ne la déterminent pas. Comme l’a expliqué plus tard le pape Benoît XVI : « Il n’existe pas de destin immuable. » Dieu est maître du temps et de l’histoire. N’est-ce pas ce que la Vierge Marie a voulu signifier, en arrêtant à Fatima le soleil dans sa course, et en le faisant danser à volonté, devant 50 000 personnes ? N’est-ce pas ce qu’elle a voulu manifester, ce 13 mai 1981, en enrayant l’arme d’un tueur ? De la balle qui devait frapper le cœur de son serviteur, elle a fait un joyau de sa couronne. Une manière de nous dire que le démon n’a pas le dernier mot, que Dieu peut tirer du mal un bien et qu’il peut faire des pécheurs que nous sommes, des saints.

Frère David Perrin

Frère David Perrin