Une vie à perdre
Mes frères, c’est la rentrée. Il est temps de nous mettre à l’œuvre. Il est temps de mettre notre foi en œuvre. Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? Quelle est cette œuvre que Jésus nous propose ? Il s’agit de perdre. Et perdre beaucoup. Il s’agit de perdre sa vie, de la dépenser jusqu’au bout. Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et me suivre. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera.
Il nous faut donc perdre. Hélas, pour les histoires de succès, tant pis pour les projets de leadership inspirés des pratiques commerciaux, adieu les réunions visant la reconquête du monde. La croix se dresse, et il nous faut la prendre. Lourde, rugueuse, non-désirable. Si quelqu’un veut marchez à ma suite. Si… Libre à nous d’emprunter d’autres chemin, mais celui-là s’annonce sans équivoques possibles : Tu es le Christ… Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cette parole ouvertement. Et nous pressentons que si lui a pris cette route, pour le suivre, il nous faudra aussi la prendre. Il ne suffit pas qu’il passe par cette épreuve à notre place, il nous faudra aussi y passer à sa suite. Perdre. Résolument et de grand cœur.
Mais encore faut-il bien perdre ! Encore faut-il perdre pour de bonnes raisons. Celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. Le but n’est pas de gâcher sa vie. Perdre pour le Christ ne signifie pas justifier la médiocrité, le crime, le raté de l’existence. Anéantir sa vie pour des broutilles, ce n’est pas la perdre à cause de Jésus et de son Évangile. On peut perdre sa vie pour des riens, on peut peut la dépenser pour ce qui ne rassasie pas. C’est exactement ce que le prince de ce monde nous propose. Il nous traite comme ces indiens qui échangent leurs terres contre des perles de verre. Sacrifier sa vie pour la carrière professionnelle. Détruire son foyer pour une passion passagère. Renier le Christ par convention sociale ou même par paresse. Une pure perte. Une perte où le néant gagne.
Notre vie nous est donnée pour être dépensée. Elle le sera. Instant après instant, choix après choix, nous la perdons. Nous ne retrouverons aucun des moments de notre passé. Impossible de retenir dans notre main le temps indomptable. Mais il est en notre pouvoir de l’orienter. Une année s’ouvre. En quoi la dépenserai-je ?
Celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. Il est facile de gâcher sa vie : le péché est là, tapi à notre porte. Il est bien plus difficile de perdre sa vie à cause de l’Évangile. Choisir d’aimer. Choisir de servir. S’oublier. Arrêter de se plaindre. Prendre sur soi. Choisir la joie. Bâtir la paix. Lutter pour la pureté et ce jusqu’au sang. Préférer l’humilité, là où l’orgueil semble si facilement gagnant. Devenir disciple de celui qui est doux et humble de cœur.
Devenir disciple. Appelant la foule avec ses disciples – notons qu’il s’agit d’une multitude. Jésus est seul à ouvrir la marche, mais nous ne pouvons y avancer qu’en communauté, qu’en Église. Le suivre revient à marcher avec tant d’hommes et de femmes qui ont été bouleversés par l’Évangile et qui se perdent à sa suite. Il y a des chutes et il y a des scandales. Prendre soin des pauvres, des blessés, des pécheurs, se savoir solidaire d’eux, chercher la justice et le relèvement, exiger que la vérité soit faite, refuser le silence coupable sans s’ériger en juge irréprochable – n’est-ce pas aussi se perdre à la suite du Sauveur ? Et nous savons comme cela peut être crucifiant.
Mes frères, mes sœurs, une année s’ouvre. C’est la rentrée. Il est temps de nous mettre à l’œuvre. Puissions-nous ensemble nous perdre sur les routes de l’Évangile. Puissions-nous suivre le Christ partout où il va. Puissions-nous ne chercher d’autre succès que celui de sa Pâques, que celui de sa Croix.
Fr. Pavel Syssoev, op.